Initiation au pilotage hélicoptère – partie 04

Parlons dans cet article des effets secondaires, chaque manipulation d’une commande oblige la correction des autres, on est parti pour la moulinette 🙂

Imaginons une foreuse, on la met en route en bloquant le bouton et on la pose sur la table. Elle tourne tranquillement mais si on freine avec les doigts légèrement le mandrin qui tourne, c’est le corps entier de la foreuse qui risque de tourner dans l’autre sens, c’est l’effet de couple. Mais où je veux en venir avec ma foreuse, on va faire un trou ?

Non, en fait il y a une force dont on a pas encore parlé, la traînée.

Lorsque la pale prend de l’angle, une partie de l’air passe au dessus et une autre en dessous mais il y a une dernière partie qui s’écrase sur la pale, ce qui occasionne une résistance sur le rotor. Donc quand toutes les pales commence à augmenter d’angle, la résistance du rotor dans l’air est de plus en plus forte et cela pose déjà deux problèmes.

1 Perte de puissance au moteur

Si le rotor résiste, le moteur à plus de mal à le faire tourner, dans le cas du h300c il faudra corriger manuellement la poignée de gaz afin d’augmenter la puissance du moteur pour garder les tours du rotor à 100%, dans le cas du R22 c’est un régulateur électronique qui va augmenter tout seul les gaz pour amener au rotor la puissance nécessaire à son fonctionnement.

Donc, lorsqu’on tire le pas vers le haut pour faire décoller la machine, le régulateur va augmenter les gaz mais, si on diminue la commande du pas pour descendre (et donc la résistance du rotor), le moteur va avoir beaucoup plus facile, le régulateur va donc diminuer les gaz afin de ne pas emballer le moteur et le rotor en même qui souvenez vous, doit toujours tourner à sa vitesse optimum.

2 l’effet de couple augmente avec le pas

Lorsqu’on lève le pas pour monter, on met plus d’angle sur les pales et on augmente donc la traînée sur le rotor, du coup toute la cellule de notre hélicoptère va aller de plus en plus vers la droite (si le rotor tourne vers la gauche, les machines française fonctionne dans l’autre sens et les commandes sont inversées), il faudra donc corriger cela avec la pédale de gauche pour garder la machine droit sur sa trajectoire. Si on descend le pas, on diminue la traînée sur le rotor et comme on a mis du pied à gauche la machine va cette fois aller vers la gauche, il faudra donc remettre du pied à droite.

Résumons :

  • Si j’augmente le pas (pour monter) il faudra compenser la puissance du moteur par la poignée de gaz, automatiquement sur R22, manuellement sur H300C
  • Si j’augmente le pas, l’hélicoptère va pivoter à droite, il faudra compenser avec la pédale gauche
  • Si je diminue le pas, (pour descendre), il faudra diminuer la puissance par la poignée de gaz, automatiquement sur R22, manuellement sur H300C
  • Si je diminue le pas, l’hélicoptère va pivoter à gauche, il faudra compenser avec la pédale droite.

C’est déjà compliqué ? attendez la suite 🙂

Puisqu’on touche au pas, on corrige aux pieds, mais utiliser les pédales génèrent aussi un effet secondaire…
Imaginons l’hélicoptère suspendu au plafond par le rotor avec une corde et je vous demande de pousser sur le rotor de queue, 1er effet la machine va faire un tour sur elle même, comme quand on agit avec les palonniers, mais va aussi avoir un mouvement balancé puisque vous l’avez poussé. Si la machine se balance, la portance va se déplacer aussi et la machine déséquilibrée va partir d’un côté ou d’un autre. Donc quand vous mettrez du pied à gauche ou à droite, la machine sera déséquilibrée et risque de partir vers la gauche ou vers la droite.

Pour compenser cela il faudra probablement agir sur le cyclique (le manche) afin de remettre la machine bien horizontale pour ne pas partir et glisser à droite ou à gauche.

Résumons:
Si je touche au pas, je dois corriger les pieds, si je touche aux pieds, je devrais corriger le cyclique et maintenant, c’est tout ? (ricanements)

Prenons le schéma suivant


Imaginons que la ligne horizontale au dessus de notre hélicoptère du schéma précédent est la portance nécessaire pour garder notre hélicoptère en l’air, si on augmente la portance au delà de cette ligne la machine monte, si on met la portance en dessous de cette ligne, la machine descend. Maintenant, agissons sur le cyclique vers l’avant, la force verticale s’incline vers l’avant en même temps que la machine, mais du coup voyez vous le problème indiqué par la petite flèche ?

Il manque un morceau de portance qui se trouve donc en dessous de notre ligne de stationnaire, donc l’hélicoptère descend !
Pour ne pas finir dans le champs, il faudra donc compenser cette descente en augmentant légèrement le pas … ha on touche au pas, il faudra donc corriger les pieds, ha si on touche aux pieds, il faudra corriger le cyclique, oui mais si je touche au cyclique, je devrais corriger le pas et voilà notre moulinette en route qui vous occupera déjà quelques heures 🙂

C’est tout ? ben non …

3 Difficulté supplémentaire, la sensibilité des commandes.

Toutes ces commandes sont à manipuler avec douceur, précision, je dirais presque que le déplacement du cyclique de l’épaisseur d’une pièce d’un cent suffit à déplacer la machine. Si vous avez l’habitude de couper des arbres avec des scies de 3 mètres, vous allez avoir quelques difficultés…

Quand on voit le cyclique se balader en avant de 60cm en arrière également autant que sur les côtés, on se demande bien à quoi pensait le concepteur quand on sait que tout se fait sur une pièce d’un cent !!! (l’épaisseur) mais il avait une bonne raison … le centre de gravité.

Si on prend le centre de la machine sur le mat du rotor et que les réservoirs de carburant situés derrière sont bien remplis, en fait plus lourds que le pilote, quand on va lever la machine, elle aura tendance à s’incliner vers l’arrière à cause du poids des réservoirs, si on laisse faire, à peine décollé, la machine partira en arrière !
Il faut donc compenser cela en poussant le cyclique vers l’avant afin de ramener la machine à plat !

Il y aura probablement aussi une différence de poids entre le pilote et son passager, la machine sera donc penchée soit à gauche soit à droite, si on laisse faire, à peine en l’air, la machine va se déplacer à gauche ou à droite, pour corriger cela il faudra donc mettre le cyclique vers la gauche ou la droite afin de garder la machine bien à plat. Notre stationnaire sera donc probablement avec le cyclique légèrement en avant et légèrement à gauche ou à droite, ce sera notre centre, c’est à partir de là qu’il faut manipuler la commande doucement. Mais au retour du vol, le réservoir sera moins rempli et la machine aura donc une tendance à se pencher en avant à cause du pilote et son passager, il faudra donc cette fois chercher l’équilibre et le centre de gravité vers l’arrière.

Si nous avons un passager très costaud (les pilotes sont tous en général sveltes hum hum), quand la machine va quitter le sol, elle penchera donc vers l’avant, pour l’empêcher de partir en avant il faudra donc ramener le cyclique vers l’arrière, et au plus le poids est important au plus il faudra tirer sur le cyclique, parfois on percute le ventre du passager … c’est là qu’on se dit qu’il vaut mieux annuler le vol, mais vous comprenez maintenant pourquoi cette commande à une grande amplitude, chercher le centre de gravité et au plus le poids à transporter est lourd, au plus il faudra déplacer la commande pour chercher le centre de gravité.

En pratique, on se renseigne sur le poids du passager avant de partir, même si cela n’est pas poli de demander le poids d’une dame, et dans le manuel, on sait la limite à ne pas dépasser car si vous partez et que la commande ne permet plus de redresser la machine, on est parti pour un accident !

C’est pour cette raison également qu’on calcule le carburant que l’on va emmener dans la machine, selon le poids du pilote et du passager, on va adapter le poids du carburant que l’on va emmener car si on est costaud et qu’on fait le plein de la machine, il y a de forte chance que même avec le pas au maximum en dessous de vos bras, la machine ne montera désespérément que de 5 cm, pas plus !

Et maintenant, c’est tout avec les difficultés ? heu non … 🙂

4 l’inertie

Contrairement à une voiture qui, quand on tourne le volant, commence son virage immédiatement, l’hélicoptère à une inertie qui fait qu’il ne réagit pas tout de suite à cause de l’inertie.
Notre cerveau n’est pas habitué qu’on obéisse pas aux commandes qu’il ordonne. Ce qui se passe …

On vous donne la machine dans un état stable et parfaitement équilibré, vous prenez les commandes. Tout à coup et très vite, la machine bouge de quelques millimètres, par exemple vers l’avant, la machine se met donc à avancer. mais vous savez ce qu’il faut faire pour l’arrêter, tirer légèrement le cyclique vers l’arrière. Mais la machine par son interie continue d’avancer, ha !? se dit le cerveau, j’ai pas tiré assez fort et j’en remet une couche.

La machine s’incline plus fort en arrière mais continue sa course vers l’avant, c’est là que le cerveau décide de mettre la dose, non mais, tu vas obéir !?
La machine finit par s’arrêter, mais complètement inclinée en arrière et elle repart donc de plus belle en arrière, aïe, on repousse donc fortement le cyclique vers l’avant, et la balançoire est lancée, en avant, en arrière, à gauche, à droite et en moins de 4 secondes, c’est le crash, heureusement l’instructeur reprend la commande et remet la machine à plat en une seconde, et il rigole en plus, c’est énervant 🙂

Bon, en théorie, comment on décolle ?

Le moteur est chaud, tous les tests sont bons, les instruments sont tous dans le vert, pas d’obstacles en vue, pas de quidam en train de courir vers l’arrière, on regarde bien devant soi et on prend un point de repère, un arbre, une maison, une voiture, un poteau et surtout un point de repère entre l’oeil et l’horizon (un caca de mouche, une griffe, une ligne) et on tire le pas tout doucement.

Dés que la machine va s’alléger première chose qu’elle va faire pivoter à droite. On mettra donc un peu de pied à gauche afin de remettre sa machine face à son point de repère externe. Ensuite on tire encore un peu le pas et on essaie de voir la tendance de la machine à s’incliner vers l’arrière, si c’est le cas, on pousse le cyclique doucement vers l’avant, si la machine se déséquilibre dans une autre direction on compense légèrement avec le cyclique, on continue de tirer le pas et si vous faites cela en douceur, des corrections minimes, la machine va se lever doucement en équilibre.

Une fois quelques cm dans l’air on regarde alors son repère sur la bulle (pare-brise de l’hélico) et l’horizon, si le repère descend en dessous de l’horizon, la machine est penchée vers l’avant, mais pas encore en mouvement par son inertie, il faut alors corriger avec le cyclique vers l’arrière, des petits mouvements. C’est le plus dur, c’est ce qu’on appelle le stationnaire, il faut en général quelques heures pour le maîtriser mais c’est vital pour la suite. Au début, on a besoin d’un stade de football pour se poser, ensuite avec l’expérience, on « sent » dans quel direction la machine est penchée et les corrections deviennent instinctives et de plus en plus précises.

C’est pas mal pour aujourd’hui hein !?

N’êtes vous pas tenté de prendre vous aussi les commandes d’un hélicoptère lors d’une initiation ?
C’est ici que cela se passe

3 réponses
  1. Carine LOUBRIS
    Carine LOUBRIS dit :

    Bonsoir Patrick,

    j’ai suivi bouche bée….votre initiation virtuelle….raconté avec humour ça semble facile….j’ai suivi il y a quelques années une demi journée à Gosselies…et depuis mon rêve est de piloter cette fabuleuse machine mais hélas le nerf de la guerre …l’argent..vous l’aurez compris manque….alors je les regarde s’envoler à Suarlée…je m’étais engagée à l’armée à l’époque pour devenir pilote le destin m’a conduite ailleurs…

    Merci vous m’avez fait rêver….
    Carine

    Répondre
  2. Achraf
    Achraf dit :

    Sympa. j’aurai pu économiser pas mal d’argent en vous lisant avant. ma formation sur un Robinson qui m a coûté très très chère. mais sans regret 🙂

    Bravo

    Répondre

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